Roc de Chère : une forêt pleine de vie

La forêt que vous pouvez admirer aujourd’hui est plutôt jeune : elle a tout juste un siècle. Jusqu’au début du XXème siècle, le Roc de Chère se compose de paysages découverts, largement cultivés (céréales, vignes, pâturages, près de fauche). Ce n'est qu'après la 1ère Guerre mondiale, le dépeuplement des campagnes entraînant un abandon de nombreuses parcelles agricoles, que le massif s’est progressivement reboisé. Aux paysans, bergers et bûcherons succèdent aujourd’hui promeneurs, géologues, botanistes : autres usages, autres regards portés sur les paysages et les milieux naturels...

Fuyant parfois au dernier moment, le lézard vert est impressionnant. Il peut mesurer jusqu'à 40 cm de longueur dont les deux tiers proviennent de sa queue. Il faut dire que son vert éclatant piqueté de jaune ne passe pas inaperçu ! Au printemps, le mâle arbore également une gorge bleue très visible. Adepte des milieux chauds et secs semi-ouverts, le lézard vert apprécie la forêt méditerranéenne et les affleurements rocheux du Roc de Chère et s'y fond, entre rochers et végétation.

Forêt et mares ? Que rêver de mieux pour dame salamandre, le plus forestier des amphibiens du Roc de Chère !Elle ne rejoint l’eau que pour donner naissance à ses larves, munies de branchies, comme des têtards. Mauvaise nageuse, elle retourne vite à la forêt, laissant ses petits mener leur première phase de vie aquatique. Cet animal nocturne a la peau lisse et noire interrompue sur le dos par un motif jaune, occasionnellement orange, de points et/ou de lignes. Chaque individu possède un dessin unique !

Que la végétation rappelle les forêts de l'arrière-pays méditerranéen (Buis et chênes )n'est pas vraiment un hasard. En effet, l'orientation sud du coteau influence fortement le climat et la végétation. Ici le rayonnement solaire se reflète davantage sur les eaux du lac. De plus la position avancée du Roc de Chère sur le lac stoppe les vents du Nord. On trouve ainsi des espèces adaptées à la chaleur, tel que la garance voyageuse et l'érable de Montpellier, qui témoignent de ce micro-climat.

Saurez-vous reconnaître ces deux espèces différentes ? Indice : La callune a des pétales bien distincts alors que la bruyère a des fleurs en grelots, et ses feuilles ressemblent à des petits rameaux de thuya tandis que celles de la bruyère forment des aiguilles.La callune est souvent appelée à tort bruyère. Cette confusion est liée à l'exploitation de la terre de bruyère, « l'or noir », très bon fertilisant, des jardiniers. En effet, la callune est capable de s’implanter sur des sols acides et même directement sur la roche. Les parties végétales mortes s’entassent et se décomposent, jusqu’à donner un humus noir. Asters CEN74, gestionnaire de la réserve naturelle, mène des travaux pour conserver la lande à callune, peu à peu colonisée par la fougère.

Le saviez-vous ? Les zones humides constituent le troisième écosystème le plus riche en terme de biodiversité, au monde. Elles ont comme fonction écologique de stocker les eaux de pluie comme une éponge, de les filtrer et de stocker du carbone. Les mares forestières, zones humides par excellence, servent comme points d'eau pour beaucoup de mammifères (chevreuils, chauve-souris, renards).Elles sont aussi des sites idéaux pour la reproduction de nombreux insectes (libellules) et amphibiens (grenouilles, tritons).

La garance voyageuse est la petite cousine de la garance des teinturiers, cultivée autrefois pour produire une teinture rouge. Très commune au bord de la Méditerranée, la garance voyageuse n'a pas connu d'industrialisation et pourtant sa racine donne également un colorant rouge-orangé.  Le saviez vous ? La garance est aussi une lointaine cousine du café !

Le socle rocheux du Roc de Chère est à la fois calcaire sur la partie droite du massif forestier (côté Talloires) et gréseux au pied de la forêt jeune, côté Menthon-Saint-Bernard.Le Roc de Chère est sur une faille très originale entre deux couches géologiques qui façonnent l'aspect du paysage. Ainsi, le lézard vert et la garance affectionnent les milieux drainants et chauds sur le calcaire alors que la callune et les mares se forment sur le grès : un sol acide et imperméable.

Ce marais est un vestige du temps où les glaciers recouvraient la vallée. Ces milieux humides, de plus en plus rares, abritent une faune et une flore remarquables et parfois menacées. Grenouilles et lézards y chassent les gracieuses libellules volant entre les iris. Pour empêcher qu’il ne se boise et ne s’assèche, il est fauché chaque année par le golf.