Luneray à pied

Perchée à 75 mètres d’altitude entre les vallées verdoyantes du Dun et de la Saâne, Luneray possède un riche passé historique. Son nom proviendrait de l’un de ces retranchements antiques en forme de lune que les romains nommaient lunoe ou Luna. En explorant les nombreux chemins sinueux traversant la ville de part et d’autre, vous découvrez les chaumières normandes et les maisons de maître imposantes faites de briques, de grès et de pans de bois. Ces chemins vous mèneront sûrement dans le quartier du Ronchay. C’est là qu’un cultivateur aurait retrouvé au XIXe siècle des vestiges attestant l’existence d’une ville dès l’époque Gallo-romaine. Il s’agissait en fait de sépultures à incinération datant de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle. Des vases en verre et en terre cuite, des ornements en bronze, et des statuettes y étaient restés enfermés ainsi qu’une urne cinéraire en verre de 35 cm de haut sur 25 cm de large. Ces découvertes sont aujourd’hui conservées dans les réserves du musée de Dieppe, et au musée des Antiquités de Rouen.

C’est ici qu’a lieu le marché chaque dimanche matin ! Producteurs locaux, maraîchers, quincaillers,… sont tous présents et font de ce marché l’un des plus beaux de la région. Au centre de cette place rectangulaire se dresse une ancienne halle aux grains réhabilitée depuis en mairie. Autrefois, le rez-de-chaussée était entièrement ouvert et permettait à certains commerçants de s’y installer pendant le marché. Déjà au XIXe siècle, de nombreux commerces fleurissaient. On trouvait boucheries, boulangeries, pâtisserie, épiceries, cafés, tabacs, quincailleries, hôtel, pharmacie,... et même des chapelleries. Deux chapeliers étaient installés, un à la place de l’actuelle Société Générale et l’autre dans une partie de la boulangerie Vaillant.

De l’église primitive du XIIe siècle, il ne reste qu’une grande arcade sous le clocher. Ce premier édifice était fait de tuf, une roche poreuse légère et très friable, ce qui explique qu’il en reste si peu de témoignages. L’édifice actuel fut modifié à de multiples reprises au cours des XVIe, XVIIe et XIXe siècles. A l’intérieur, arrêtez vous sur les remarquables couleurs des vitraux installés au XIXe et admirez les fonds baptismaux aux décors géométriques et végétaux datés du XIIe ou XIIIe siècle.

Des petits chemins aux entrées cachées, on en trouve partout dans le village! Autrefois les tisserands allaient et venaient depuis leurs ateliers jusqu’à la place du marché pour vendre leurs ouvrages en empruntant ces sentes. Ces petites allées étroites permettaient le passage d'un homme et son panier ou sa brouette. Elles profitaient aussi aux femmes qui rejoignaient plus rapidement le marché le dimanche matin. Elles avaient aussi leur utilité pendant les guerres de religion. Elles facilitaient les prêches clandestins. En effet, si après la Révocation de l'Edit de Nantes, les temples avaient été détruits, les protestants durent trouver une alternative pour continuer à pratiquer leur foi et le culte dut se faire clandestinement. C'est ainsi que des pasteurs du désert firent leur apparition afin de prêcher la bonne parole dans les vallons boisés à l'abri des regards les soirs sans lune. Les protestants empruntaient alors ces chemins la nuit tombée pour ne pas se faire repérer.

Le protestantisme se développe ici dès le XVIe siècle. Ce sont des colporteurs, des hommes et parfois des femmes déguisés en marchands, qui auraient ramenés de Genève, cachés dans des ballots de marchandises, de petits manuscrits. Les tisserands et commerçants de la ville en furent très friands, et c’est ainsi que le protestantisme débuta dans la commune. Jean Venable serait d’ailleurs le fondateur de l’église de Luneray. La construction du temple actuel fut autorisée par Napoléon Ier lui-même en 1807. Il fut érigé grâce aux dons des fidèles de Luneray et des alentours. A ce jour, 70 à 80 personnes assistent encore au culte le dimanche matin.

Pendant les persécutions faites aux protestants, nombre d’entre eux s’exilèrent. La demeure à l’entrée de la ferme aurait dissimulé de nombreux protestants à la veille d’un départ coordonné par Dumont de Bostaquet. Des centaines de huguenots seraient partis en direction des plages de Quiberville-sur-mer et Saint-Aubin-sur-Mer où ils devaient embarquer et rejoindre les côtes anglaises. Arrivés sur place, des gardes côtes prévenus de ce qui se tramait, vinrent capturer les fuyards. Certains comme Dumont de Bostaquet parvinrent à s’échapper. Les autres furent emprisonnés et les femmes mises au couvent. Aujourd’hui, la maison Blanche est une propriété privée et le reste de la Ferme est investi par la Ferme des Trois Portes. Les produits de la ferme sont disponibles sur place les vendredis, samedis et dimanches !

Le quartier du Ronchay était occupé par de nombreux tisserands. Certains d’entre eux, les siamoisiers, confectionnaient une étoffe qui fut la spécialité de la région au XVIIIe siècle. Cette appellation vient du nom d’un pays du Moyen-Orient, le Siam, aujourd’hui la Thaïlande. C’est au XVIIe siècle que vint une ambassade siamoise pour faire affaire à Versailles. Les négociations n’aboutirent pas mais les courtisans français furent admiratifs des tenues qu’ils portaient. Leurs étoffes étaient de couleurs vives tissées de soie et de coton. L’industrie française chercha aussitôt à les imiter. C’est ainsi que la siamoise commença à être tissée dans la région. Les siamoisiers de Luneray utilisaient principalement le lin et le coton pour créer cet ouvrage. Cette profession disparu au début du XIXe siècle. D’autres rues portent des noms liés au tissage comme la rue des Toiliers ou la rue des navettes.

Une balade à vélo ça vous tente ? Vous marchez actuellement sur les traces de l’ancienne ligne de chemin de fer qui reliait autrefois Dieppe à Fécamp. Aujourd'hui la véloroute du lin, longue de 75km, permet de joindre Pourville à Fécamp. Si le train a été accueilli à bras ouverts, la voiture a elle eu plus de mal à être acceptée! Le maire de l’époque, peu fervent à ce que les voitures passent dans sa commune publia un arrêté. La vitesse était limitée à 30km/h en zone rurale, à 20km/h en agglomération et à vitesse d’homme dans les rues étroites.

A l’angle de la rue des Alliés et de la rue des Poitreaux, parmi la végétation, se cachent des pierres tombales et des sépultures familiales. Il s’agit du Clos Philippot, un ancien cimetière protestant. Après la Révocation de l'Edit de Nantes, en 1685, les protestants n'étaient pas autorisés à pratiquer leur religion et par conséquent ils ne pouvaient pas être enterrés dans la foi protestante. Des cimetières clandestins se sont alors développés. Souvent, les défunts étaient inhumés de nuit dans un endroit à l’écart, dans les cours, les jardins des familles endeuillées. Ils prenaient soin d’effacer toutes traces extérieures afin d’éviter certaines incivilités ou pire l’exhumation.

Luneray compta jusqu’à quatre écoles différentes. Une école catholique de garçons était disposée à côté de l’église, tandis que l’école protestante de garçons se trouvait rue du puits à deux pas du temple. Les écoles religieuses de filles étaient situées rue des Alliés. C’est seulement en 1906, poussées par le désir du gouvernement de créer des écoles publiques et laïques, que celles-ci fusionnent pour n’en faire qu’une. Sur la partie Ouest de l’école actuelle, un cartouche indique la date de 1878. Cette aile était auparavant l’école protestante des filles. Au centre de l’édifice, sous le cadran solaire, la marque de l’ancien muret séparant la cour des filles et des garçons est encore visible.

Les sentes à paniers ne sont pas les seuls témoins de l’importance de l’activité linière à Luneray. Quelques séchoirs à lin sont encore existants ! Ils sont reconnaissables grâce aux clins en bois orientables placés au premier étage. Ces ouvertures permettaient de faire passer plus ou moins d’air dans l’habitacle afin de sécher les bobines et les écheveaux de fil. Nombreux sont les séchoirs à avoir disparu, d’autres ont été réaménagés en espace à vivre comme une maison rue du Docteur Varin.

Pour finir, voyagez à travers le temps, en découvrant le village tel qu'il était à travers d'anciennes cartes postales. Cette visite vous a plus ? Alors laissez vous tenter par nos autres villages à découvrir : Val-de-Saâne, Longueville-sur-Scie, Auffay, et bientôt Quiberville et Bacqueville-en-Caux.