Les anciens lieux de plaisirs

L’immeuble date de 1837. Ce fut un lieu jadis réservé au sadomasochisme. Maîtresse Christine recevait sa clientèle, la cravache à la main, cravache marquée à son nom. La façade néogothique toujours visible, cachait des chambres munies de fers, chaînes, gibet, chevalets, un arsenal complet pour l'amateur de sensations fortes. « Rien n’y manque disait-on de la maison.

Rien ne paraît sur la jolie façade blanche de l’immeuble. On trouve au rez de chaussée un théâtre qui fut celui d’Adolphe Sax, l’inventeur du saxophone. Et on découvre dans un escalier une représentation de l’enlèvement d’une Sabine, elle est nue, et un peu plus loin une sculpture de femmes vêtues à l’antique. C’était un lupanar haut de gamme. Durant la seconde guerre mondiale, il fut réservé aux officiers allemands, comme cinq autres maisons de tolérance parisiennes : Les Belles Poules, Le Sphinx, Le Chabanais et Le One-Two-Two.

La maison ouvre aux alentours de 1857, elle sera tenue par la plus célèbre maquerelle de son temps : La Farcy qui finira sa vie châtelaine et bienfaitrice de la ville de Montargis. Toulouse-Lautrec la fréquentera assidument. Les restaurants « à cabinet » (salon privé) envoyaient fréquemment des émissaires chercher chez elle des professionnelles destinées à pimenter les dîners fins de la bonne société. L’immeuble n’existe plus, mais le souvenir de sa fondatrice en fait une étape obligatoire de notre pèlerinage

L’hôtel particulier du prince Murat devint en 1924 une maison close, assez rapidement elle comptera 22 chambres (le grenier à foin, la chambre de torture, la chambre égyptienne, le wagon de l’Orient Express, etc…. On y pratiquait un voyage autour du monde des plaisirs érotiques. Les femmes étaient superbes et le restaurant excellent. On y recevait les célébrités du moment et il fallait y être vu. Ce fut avec le Chabanais et le Sphinx l’un des établissements les plus luxueux et les plus célèbres de son temps : en 1938 : 60 filles, 300 visiteurs et 150 bouteilles de Champagne par jour. Réquisitionné pour les officiers allemands, il devient un lieu de délassement pour la gestapo et les collaborateurs. En 1946 l’immeuble sera vendu au Syndicat Patronal des Cuirs et Peaux de France, le mobilier est mis aux enchères. L’immeuble est assez banal, il ne reste rien de l’établissement qui recevait avant guerre la fine fleur de la société française et internationale

L’immeuble date de 1700. La Maison des Moulins, également nommée La Fleur blanche, a hébergé le peintre Toulouse-Lautrec, il y occupait une chambre à l’année, il y avait installé son atelier, il y a réalisé beaucoup de ses toiles sur lesquelles on peut apercevoir le décor des lieux (le salon de la rue des Moulins, Ces dames au réfectoire, Le sofa, etc.). Il avait orné d’une fresque le cabinet de toilette du 2e étage L’endroit, était réputé pour sa chambre d’inspiration gothique, on y aurait pratiqué des messes noires. Le lit de La Païva, une célèbre courtisane du XIXe siècle ornait l’une des pièces. Il s’agissait d’un établissement luxueux célèbre pour sa chambre des tortures. Il fut lui aussi réquisitionné pour l’état major allemand. Tout son contenu fut vendu aux enchères en 1946 mais l’inconscient collectif a conservé des traces de son existence car le prix du mètre carré est beaucoup plus élevé dans cet immeuble que dans les immeubles avoisinant.

Comme le One Two Two, l’établissement créé en 1878 ne recevait que l’élite : artistes (dont Marlène Dietrich), souverains, etc. Le client pénétrait dans une grotte, il y avait des cascades. On trouvait au premier étage le salon Pompéi orné de miroirs et de sofas romains, décoré de fresques. Tout était à l’avenant. L’exposition universelle de 1900, la maison décerne un prix au Chabanais pour sa chambre japonaise. Son plus fidèle client fut le futur roi Edouard VII d’Angleterre, il fit installer dans la chambre hindoue une baignoire de cuivre dotée sur l’avant d’une sirène à grosse poitrine (il la remplissait avec du champagne) et son fauteuil de volupté. Le prix de base d’une prestation était de 100 francs (500 euros). Le lupanar est devenu un immeuble de bureau, mais il reste un escalier de marbre et les portes en fer forgé des deux escaliers. A voir en face du 12 la boutique « Au Bonheur du Jour, une galerie dédiée à l’histoire de l’érotisme.

En elle-même la rue Blondel constitua longtemps un fleuron de la prostitution de rue. Au 32, Les Belles poules étaient un établissement de très bonne qualité, apprécié pour ses « tableaux vivants » : la nonne affolée ou la jeune épouse qui s’éveille. La décoration était l’une des plus remarquables de Paris tout entier, on y trouvait des mosaïques de faïence rouge, elles sont aujourd’hui classées mais difficiles d’accès. Seul un portrait en mosaïque trône encore dans l'entrée, la cage d'escalier a conservé son élégance. La plupart des autres mosaïques ont été recouvertes par des boiseries. Si on demande à la boutique d’à côté, il est parfois possible d’entrer. Peut-être pourrez-vous entrevoir le salon et sa galerie de peintures en carreaux de céramique.

Nous avons visité les lupanars de luxe qui ont fait la gloire du gai Paris elles n’ont rien à voir avec les maisons d’abattage où des filles misérables, abruties d’alcool et de fatigue, assuraient 60 passes par jour pour un salaire de misère. Nous terminerons notre circuit par l’une d’entre elles. On en comptait une douzaine dans Paris en 1938. Elles étaient réservées aux personnes de condition inférieure et aux travailleurs étrangers. Fondé en 1871, Le Moulin Galant recevait également des clochards, il se composait de deux pièces : Le Sénat au prix unique de 10 francs et la Chambre des Députés dont le tarif oscillait autour de 15 francs selon la qualité du choix proposé, pas de chambre, aucune intimité. Rien ne laisse plus supposé au passant qu’un tel lieu existait à l’adresse indiquée, il s’agit maintenant d’un immeuble bourgeois du meilleur standing.