Dans la Rue de lAbbaye, vous passez au n°43 devant la maison de la grand-mère de Chateaubriand. Vous pourrez prendre plus de recul qui vous aurez traversé à labri de la rue de Velléda."Si jai vu le bonheur sur la terre, cétait certainement dans cette maison. (...) Madame de Bedée ne marchait plus mais à cela près elle navait aucun des inconvénients de son âge. Cétait une agréable vieille, grasse, blanche, propre, lair grande, les manières belles et nobles, portant des robes à plis à lantique et une coiffe noire de dentelle nouée sous le menton. Elle avait lesprit orné, la conversation grave, lhumeur sérieuse. Elle était soignée par sa sœur mademoiselle de Boistilleul, qui ne lui ressemblait que par la bonté. (...) Ma grand-mère se reposait sur sa sœur du soin de toute la maison ; elle dînait à onze heurs du matin, dormait deux heures après son dîner ; à une heure elle se réveillait, on la portait dans son jardin où elle prenait lair entourée de sa sœur, de ses enfants et petits-enfants. A quatre heure elle rentrait dans son salon, on mettait une table de jeu ; mademoiselle de Boistilleul frappait avec des pincettes contre la plaque de la cheminée, et quelques instants après on voyait entrer trois autres vieilles filles qui sortaient de la maison voisine à lappel de ma tante. Ces trois sœurs dont la plus jeune avait cinquante-huit ans, se nommaient les demoiselles Ville-de-Neuf. Filles dun pauvre gentilhomme, au lieu de partager son petit héritage, elles en avaient joui en commun, ne sétaient jamais quittées, et nétaient jamais sorties de leur village paternel ; liées depuis leur enfance avec ma grand-mère, elles logeaient porte à porte, et venaient tous les jours au signal convenu dans la cheminée, faire la partie de quadrille de leur vieille amie. Le jeu commençait, les bonnes dames se querellaient. Cétait le seul évènement de leur vie et le seul moment où légalité de leur humeur fut altérée ; à huit heures, le souper ramenait la sérénité". (Extrait Mémoires de ma vie).