





Obligée de conserver sa neutralité depuis son indépendance, la Belgique était en 1914 un petit pays coincé entre deux états de premier plan : l’Allemagne et la France. Sa neutralité, garantie par les grandes puissances, l’avait sauvegardée de la guerre de 1870-1871. Ce conflit avait été marqué par la disparition du second empire français, la proclamation du deuxième Reich et, surtout, la perte de l’Alsace-Lorraine au profit du nouvel empire allemand. Véritable pomme de discorde, cette annexion contribua à nourrir l’hostilité franco-allemande qui poussa les deux grandes puissances à s’affronter en 1914. Depuis l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914 à Sarajevo, les chancelleries européennes étaient en effervescence. En ce début d’été 1914, nombreux furent les Belges à se conforter dans l’idée que leur pays échapperait à une guerre européenne de plus en plus imminente. Le plan de l’état-major impérial était tout autre. Pour surprendre l’armée française, les stratèges allemands avaient imaginé traverser le territoire belge. Le 2 août un ultimatum fut envoyé au gouvernement belge le sommant de laisser passer l’armée allemande. Ce dernier le rejeta le 3 août. Le 4 août à 8 h, les premiers soldats allemands traversèrent la frontière belge, précipitant la Belgique dans la Grande Guerre. Pour défendre Liège, douze forts avaient été édifiés autour de la ville entre 1888 et 1892. Communément appelée ceinture de Liège, cette enceinte fortifiée avait été construite selon les plans du lieutenant-général Brialmont, surnommé le Vauban belge. Cependant, face aux évolutions techniques, cette ceinture de forts était déjà dépassée lorsque la guerre éclata. À côté des forts, Liège fut aussi défendue par des bataillons, dont la mission principale était de protéger les intervalles entre les forts. La bataille débuta véritablement la nuit du 5 au 6 août quand les troupes allemandes tentèrent de percer ces intervalles. Elles furent presque partout refoulées. Un contingent de soldats allemands arriva cependant à passer entre les forts de Liers et Pontisse et poussa jusqu’au quartier général du général Leman, le commandant de la défense de Liège. Après une intense fusillade, ils furent repoussés et legénéral Leman se replia dans le fort de Loncin. Le 6 août, il ordonna aux bataillons de se retirer et de rejoindre l’armée de campagne. Seuls restaient les forts pour défendre la cité mosane. Le 7 août, les Allemands pénétrèrent dans Liège. Les forts de Liège furent alors pilonnés un à un et les Allemands utilisèrent pour la première fois le canon de 42 cm, surnommé la Grosse Bertha, pour en venir à bout. Pontisse fut le premier fort à subir les assauts de ce monstre de métal de plus de 40 tonnes, capable de projeter des obus de près de 800 kg à 10 km. Dépassés par cette arme capable de pulvériser leurs défenses et complétement isolés, les 12 forts résistèrent cependant pendant plusieurs jours. Le fort de Hollogne fut le dernier à se rendre le 16 août 1914, mettant un terme à la bataille de Liège. Rien n’illustre mieux cette lutte inégale et cette résistance, tout aussi héroïque que tragique, que le fort de Loncin. Le 15 août, alors que ses défenseurs continuaient le combat malgré l’état préoccupant des fortifications, un obus de 42 cm tomba dans la poudrière et provoqua une puissante explosion qui éventra le fort en ensevelissant 350 de ses défenseurs. Cette résistance, comme celle d’autres forts belges au début de la guerre, ne fut pas veine puisqu’elle retarda l’avancée des troupes allemandes vers la France. Aujourd’hui le fort de Loncin est reconnu comme nécropole nationale et a été classé comme patrimoine mondial de l’Unesco en 2023.