Un vrai gruyère!

En marchant dans cette rue, vous observez de nombreuses cavités dans la pierre, vous remarquez que certaines d'entre elles sont aujourd'hui bouchées...
Pendant des siècles, la roche calcaire a été extraite des entrailles de la Juridiction de Saint-Émilion. Elle était ensuite revendue pour la construction des églises, châteaux et autres maisons de la région. L'histoire veut même que notre pierre calcaire ait servi à la construction du Grand Théâtre de Bordeaux!
Cette extraction et cette revente massive de la pierre locale font parfois dire que le calcaire fut et reste la première richesse du village...avant le vin! C'est aujourd'hui ce même terroir calcaire qui participe en effet à l'extrême qualité des vins de Saint-Émilion.
Une activité fructueuse donc, et qui devint dangereuse! Au XIXème siècle, l'activité d'extraction fut interdite afin de freiner les menaces d'effondrement qui pesaient sur le village. Ce sont tout de même près de 80 hectares de carrières souterraines qui s'étendent sous vos pieds, soit l'équivalent de 200 kilomètres dont certains sont répartis sur cinq niveaux !
Malgré l'interdiction d'extraire cette pierre et les nombreuses techniques aujourd'hui mises en oeuvre pour lutter contre ces sols devenus instables, le château Belair Monange, 1er Grand Cru Classé, a par exemple récemment perdu plus d'un hectare de vigne.
Avec l'abandon de l'activité d'extraction, les carrières souterraines ne sont cependant pas tombées dans l'oubli. Elles ont servi de cachettes pendant les guerres, de champignonnières, et d'habitations. Les entrées bouchées présentent toujours la forme des anciennes portes ou fenêtres de ces appartements finalement pas si inconfortables pour l'époque ! On raconte qu'une réelle bonne humeur régnait dans cette rue qui fut autrefois ironiquement baptisée rue des argentiers...
Aujourd'hui, plus personne ne vit dans ces carrières, mais certaines sont encore utilisées par les viticulteurs qui y laissent vieillir le précieux nectar en barriques de chêne. Les conditions y sont idéales pour l'élevage du vin : haut niveau d'hygrométrie, température quasi constante à l'année autour de 14 degrés, pas de lumière ni de vibration.
Enfin, la rue se nomme aujourd'hui "rue des douves" rappelant que c'est entre autre à cet endroit que les hommes creusèrent la pierre calcaire pour construire le mur d'enceinte qui protégeait le village au Moyen-Âge.