à l'ouest du Chemin des Dames, toujours sur la D18CD. Après la ferme d’Hurtebise, la route laisse d’abord, à gauche, le plateau des Casemates, un des premiers objectifs de l’offensive Nivelle en avril 1917, jamais atteint malgré de lourdes pertes... À droite, l’ancien emplacement du moulin de Vauclair, poste d'observation de Napoléon Ier en 1814, où trône depuis 1974 une gigan-tesque statue de l’Empereur. On redescend ensuite doucement jusqu’au plateau de Californie, passage obligé du Chemin des Dames. Ce site s'appelait autrefois la montagne de Craonne, et les gens de la région venaient y prendre du bon temps. Un petit coin de paradis qui s’est transformé en enfer dès septembre 1914. C’est ici et dans le secteur de Craonne que l'hécatombe a été la plus sanglante jusqu’à la victoire française de la Malmaison, fin octobre 1917. C’est ici que la terre a été le plus malmenée. À tel point qu'en 1919, la commission gouvernementale chargée de déterminer les secteurs les plus touchés par la guerre, ceux dont les terres seront déclarées incultivables aux fins d'expropriation, décide d’une «zone rouge» de 19000 ha, englobant 52 communes. Devant les protestations des paysans et de leurs élus, au bout de quelques années, la surface est ramenée à 750 ha, essentiellement les terrains en pente et le plateau de Californie, qui sont alors reboisés.
Du parking, avec table d’orientation et panneaux thématiques très intéressants, démarre une courte mais émouvante balade en forêt. À l’amorce du chemin se dresse une sculpture de métal, Ils n'ont pas choisi leur sépulture. Une commande d’État pour commémorer le 80e anniversaire de la fin de la guerre. Avec cette œuvre poignante, l’artiste français d’origine allemande Haïm Kern a voulu rendre hommage à tous les combattants anonymes pris dans les mailles de l’histoire. Il n’y a pas d’autre monument sur ce plateau, chargé pourtant d’une prodigieuse force émotionnelle. Parce que c’est dans ces bois qu'on se heurte vraiment à la réalité des combats. Parce que si les arbres ont poussé, les tranchées n’ont pas été comblées et subsistent, encore bien visibles, des milliers de trous d’obus et de bombes, et de-ci de-là, les vestiges de petits blockhaus allemands, tôles ondulées rouillées, barbelés...
Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le plateau de Californie n'existe pas. On grimpe sur la montagne de Craonne, pour des dimanches à la campagne. Le Rémois Henri Vasnier, prospère négociant en champagne et collectionneur éclairé, a installé ici un un petit zoo, un jardin tropical et une guinguette s’inspirant des saloons américains et baptisée la Californie. Certains affirment que sous cette enseigne se cachait en fait une maison close. Le nom, en tous cas, est resté.