Parcours Boch, dans les rues de La Louvière

Ces 3 fours conservés sont les derniers témoins de la technologie de cuisson industrielle la plus répandue au 19e siècle. En 1844, la faïencerie louviéroise avait inauguré une première série de fours "ronds" à tirage vertical dit "fours à alandiers". Disposés à l'air libre, simplement protégé par un dôme en briques, ils avaient une apparence de ruche. Ces 3 fours ont été construit vers 1868-1870 par Paul Jongen, un spécialiste arrivé de Maastricht. Ce sont des fours intermittents : leur chargement est délicat et laborieux, la cuisson durait 48 heures. Ces fours-bouteilles ont été très longtemps en service, vraisemblablement jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

A la fin des années 1950, la SNCB souhaite construire une nouvelle gare importante au centre-ville. Elle choisit alors de s'implanter en face de la faïencerie. L'édifice, inauguré en 1964, a été réalisé d'après les plans de l'architecte Dubus. Outre le fait qu'il s'agit d'une des quelques gares belges d'architecture typique de l'esprit "Expo 58", son originalité repose sur la présence d'une grande murale, en grès émaillé polychrome, intégrée dès la construction et commandée à la faïencerie Boch Frères.

Incontestablement, la plus inédite de toutes les demeures de La Louvière est le château "La Closière", résidence familiale de Boch. Le patron faïencier Victor Boch a fait appel à l'un des plus grands architectes belges de l'époque, Joseph Philippe Poeleart, également auteur du Palais de Justice de Bruxelles. L'entrée principale au nord s'ouvre sur un hall et un escalier monumental néo-gothique. En dehors de cet espace central et du salon de musique, il ne reste rien des aménagements intérieurs originaux. On peine aujourd'hui à mesurer le luxe et l'élégance de l'édifice qui a été lourdement transformé pour y abriter les bureaux de la Chambre de Commerce et d'Industrie. Agrandi ensuite dans les années 1950 par l'architete Paul Emonts, il accueille actuellement des bureaux du FOREM.

En 2019, la ville entreprend des travaux en vue de redynamiser le centre-ville. A cette occasion, quatre œuvres d'art sont intégrées dans l'espace public. Quatre installations ancrées dans l'histoire et l'identité de la ville. Le céramiste et sculpteur originaire de Tournai, Emile Desmedt, a ainsi redessiné les trottoirs de la rue Kéramis : des coupes d'arbres incisées dans le pavage en pierre bleue, des poèmes d'Achille Chavée et des objets de faïencerie tels qu'ils apparaitraient dans une strate géologique. L'artiste nous replonge dans une forêt perdue, celle sur laquelle a été bâtie la ville de La Louvière.

Il ne reste plus rien des anciennes maisons ouvrières construites par les Boch. Elles étaient destinées aux faïenciers luxembourgeois ou sarrois. Victor Boch et sa femme logèrent également dans ces quartiers à leur arrivée à La Louvière. Ces maisons ont été démolies en 1975 pour faire place aux bâtiments de la Poste. Néanmoins il reste dans cette rue une œuvre d'art public "L'assiette brisée" imaginée par Lucile Souffllet et Bernard Gigounon. Réalisée en métal émaillé, cette œuvre est directement inspirée par les productions Boch Keramis et évoque à la fois un artefact archéologique, dans son expression du déclin de l'industrie, et un objet surréaliste incongru.

A la rue Kéramis, aux abords de l'ancien site industriel, subsiste encore un édifice très représentatif du type de stratégie adoptée par le patronat chrétien pour maintenir la paix sociale : loger la main d'œuvre, accorder quelques avantages sociaux, éduquer les enfants et distraire les travailleurs. L'édifice dont il s'agit est l'ancien "casino" de la faïencerie, non pas une salle de jeu, mais un lieu destiné aux activités sociales et culturelles de la communauté ouvrière. Il fut construit à l'occasion du 50e anniversaire de l'entreprise en 1891. Cette année-là, sous l'impulsion de Léopold Dupuis, peintre décorateur, fut également constituée une chorale en complément de la célèbre fanfare créée en 1869.

En vous rendant à la Place communale, en passant par la rue de la Loi, vous apercevrez "Les Arbres de la vie", de la sculptrice belge Anne Jones. Il s'agit de 2 groupes d'arbres de métal dont l'intérieur laisse entrevoir du bois, de la faïence, du métal et de la brique, matériaux renvoyant au passé industriel de la cité. Le bois évoque le charbon mais aussi les forêts qui jadis régnaient en maitre.

La rue du Parc est l'une des plus riches sur le plan patrimonial.En 1895, la commune de la Louvière développe un nouveau quartier autour d'un parc communal. Cette initiative immobilière est le fait que Raoul Warocqué ait hérité de terrains d'une grand-tante et qui, en faisant don du parc à la ville, valorise les terrains alentours et leur apporte une plus-value. A La Louvière, le quartier du parc apparaît alors comme un havre dans cette jeune ville industrielle. Ce quartier va attirer non seulement des employés et artistes de la faïencerie mais aussitôt ce que la jeune cité compte de nouveaux riches.Très touché par le bombardement de la ville en 1944, on y trouve de remarquables édifices reconstruits ou restaurés après la guerre. Ils livrent un beau panel de l'architecture bourgeoise de la première moitié du 20e siècle. Des artisans d'art de la faïencerie dont les célèbres Emile Diffloth, Henri et Célestin Heemskerk ou Charles Catteau, s'y installeront. Au n°89, malheureusement sablée avec trop d'énergie, on perçoit une remarquable allégorie de la rencontre entre l'art et l'industrie, œuvre de Brutout sur un édifice de l'architecte Drailly.

Nous retrouvons, rue Warocqué, la seule habitation classée de style éclectique avec un revêtement de carreaux de faïence blancs et verts ainsi que des décors polychromes animaliers et paysagers sur les murs latéraux de la loggia du premier étage. Même si les décors floraux et les représentations animalières peuvent faire penser aux travaux d'artistes de Boch, comme Georges de Geetere ou Emile Diffloth, l'ouvrage serait dû à un concurent de la faiencerie louviéroise : les manufactures Céramiques d'Hemixem Gilliot & Cie, situées à Hemiksem, près d'Anvers. L'éclectise règne en maitre dans ce quartier. Quelques traces du courant Art Nouveau apparaissent en façade sans concerner la structure de l'habitat. Le quartier a continué à s'urbaniser durant l'entre-deux-guerres. En 1927, le peintre Fernand Liérnaux, cheville ouvrière du syndicat d'initiative, se fait ériger une maison-atelier, rue Warocqué n°124. Sa façade au jeu de briques et carrelage en grès cérame irisé, est inspirée par l'Art déco. Le hall d'entrée monumental est éclairé par un vitrail visible depuis la rue. Le bâtiment accueille aujourd'hui la Maison de la laïcité.

Devant l'ampleur du travail et la nécessité de recourir à une main-d'œuvre qualifiée, une école de dessin s'ouvre sur le site de la faïencerie dès 1886. Destinés à former les modeleurs et les décorateurs, les cours se donnent après les heures de travail et sont ouverts à tous gratuitement. En 1893, l'école communale reprend cette formation avec, en semaine , des cours de dessin et, le dimanche, de peinture. Les cours sont donnés par de grands décorateurs : Fossoul, Heemskerk, Catteau ou d'Hossche. Ce n'est qu'en 1927 que cet enseignement migre dans le complexe de l'Institut provincial des Arts et Métiers, sis 1 rue Paul Pastur. Face à l'Institut, se trouve un Parc qui fut donné à la ville par Raoul Warocqué. Quelques très beaux bronzes s'y trouvent, parmi lesquels un monument dédié à Omer Lefèvre, fusillé en 1916 ainsi que des stèles en hommage à Paul Leduc, peintre louviérois de talent, et à Léopold Dupuis, dit le " Vi Stou", peintre de Keramis, poète et musicien wallon.