Au XIIe siècle, le potier s’essaie à sculpter des faces humaines. Naïvement. Un nez en angle aigu, dont l’arête se poursuit en deux arcs, les sourcils. Sous ceux-ci, deux pastilles trouées, deux yeux au regard fixe. Le tout modelé en terre et appliqué.
Une incision transversale au couteau figure la bouche sur une plaque de terre triangulaire, dessinant le menton. L’homme se plaît à se voir, à mieux se maîtriser, se comprendre, en buvant, en mangeant ou bien en travaillant, lorsqu’il esquisse son image sur le bord d’un pichet, d’une écuelle ou d’un mortier.
Mieux encore sur une pièce du même siècle, un bénitier ou candélabre de l’ancienne église Sainte-Marie-Majeure d’Andenne, le potier, chose unique, a sculpté en haut-relief le drame pénible de pèlerins, atteints de maux mortels ou incurables, implorant Sainte Begge. Un drame en trois actes, se jouant sur trois scènes superposées. Au niveau supérieur, les malades, à la langue tirée et chargée, sont couverts au niveau médian d’éruptions et de bubons pesteux, pour devenir finalement cadavériques, n’ayant plus que la peau sur les os. L’un d’entre eux, souffrant d’écoulements des parties sexuelles, est atteint de blennorragie, le sida de l’époque. Au relief naïf, mais très émouvant dans sa simplicité. Une bande dessinée…
Robert Mordant