Au cœur du massif des Maures, entre Collobrières et Grimaud, la Verne est un lieu-dit dont l’origine est controversée : son nom peut venir de la déesse romaine Laverna, protectrice des voleurs, qui aurait eu un temple à cet endroit, du latin populaire vernium (verno en provençal), désignant l’aulne des forêts présent dans les vallées voisines, ou du latin verna, dénommant les esclaves. En tout cas, c’est en 1170 que l’évêque de Toulon Pierre Isnard et l’évêque de Fréjus Frédol d’Anduse décident d’installer une chartreuse dédiée à la Vierge Marie à cet endroit, à 415 mètres d’altitude, exactement à la limite entre leurs deux diocèses. Fondé en 1084 par saint Bruno dans les Alpes, près de Grenoble, l’ordre des chartreux cherche à vivre en ermites, dans des petites maisons solitaires, avec des temps de vie communautaire. Le 3 octobre 1174 est consacrée la première église romane de la chartreuse de la Verne, dont les moines viennent du monastère voisin de Montrieux.Si la fondation agrandit rapidement son domaine grâce à de nombreuses donations (3 000 hectares de forêt, pâtures et terres agricoles, privilège d’exploiter les salines d’Hyères), la chartreuse connaît beaucoup de vicissitudes dues aux aléas climatiques et humains : incendies de 1214, 1271 et 1318, pillage de 1416 par des seigneurs locaux, pillage en 1578 pendant les guerres de Religion, attaque sarde en 1707 pendant les guerres de Louis XIV, d’où la présence de hautes fortifications autour des bâtiments. Plusieurs conflits éclatent avec les autorités voisines, notamment avec le seigneur de la Môle. Cependant, la chartreuse est chaque fois reconstruite et même agrandie, en particulier la chapelle. Au XVIIe siècle, est élevée une porte monumentale toujours visible, en pierre de serpentine, un célèbre marbre volcanique issu des Maures.La Révolution vient bouleverser l’histoire du monastère : ses biens sont confisqués par l’État et les moines sont expulsés en 1792. Le dernier prieur, Dom Raphaël Paris, part chercher refuge en Italie. La chartreuse est vendue, mais son état se dégrade rapidement. Prosper Mérimée la remarque dans les années 1840, mais il faut attendre 1921 pour que la chartreuse soit classée monument historique en tant que « vestiges dans la forêt ». Il ne reste plus que des ruines désolées, mais suffisamment parlantes pour attirer l’attention de Maupassant (1884) ou de Paul Morand (1940). C’est à partir de 1968 qu’une association de bénévoles passionnés se met à restaurer progressivement tout l’ensemble ; dans une salle proche de la chapelle, une maquette et une exposition de photos montrent l’évolution de ce prodigieux chantier, aujourd’hui pratiquement achevé. Depuis 1983, la vie monastique a repris grâce à la congrégation des Sœurs de Bethléem, dont les offices peuvent être suivis depuis la tribune de la chapelle.La visite, dont le prix finance la restauration, permet d’admirer l’essentiel des bâtiments. Elle commence par la porterie, qui rassemble les œuvres artisanales des moniales, dont de grandes statues, et se poursuit par les ateliers, où se pratiquaient les activités des moines. Deux vidéos permettent de mieux connaître la restauration et la vie du monastère. Comme toute chartreuse, la Verne présente deux cloîtres : si le grand (autrefois réservé aux pères), comportant le cimetière des chartreux, n’est visible que de loin, on peut visiter le petit cloître (jadis destiné aux frères), près duquel se situe une cellule témoin reconstituant la vie des chartreux au XVIIe siècle.