La Place Saint-Lambert, si importante pour l’histoire de la Cité, présente encore les traces de l’ancienne cathédrale qui s’y trouvait autrefois. Celle-ci était la plus grande et une des plus belles églises gothiques du monde avant d’être démembrée puis démolie après la Révolution liégeoise en 1793.
À travers sa démolition, c’est surtout le pouvoir du prince-évêque que les Liégeois voulaient abattre.
Malgré tout, les Liégeois restèrent nostalgiques de sa disparition. L’un d’entre eux, Charles-Nicolas Simonon focalise, en wallon liégeois, cette nostalgie dans un texte émouvant de patriotisme liégeois : Li Côparèye.
Li Côparèye était la cloche énorme, grave et lente, qui a rythmé les heures de la ville, de 1418 à 1793, du haut du clocher de Saint-Lambert, à plus de 100 m. de hauteur. Ce nom est une altération de côpe-orèye (coupe-oreille), car cette cloche sonnait lors du supplice judiciaire de l’amputation de l’oreille. L’étymologie populaire l’approche également de côps parèys, « coups pareils », qui met en évidence la monotonie du son.
Alors qu’elle avait survécu à l’anéantissement de la Cité ardente sous Charles le Téméraire en 1468, elle fut purement et simplement fondue, trois siècles plus tard, pour être transformée en canons. Bien plus qu’un symbole, c’est carrément une voix qui s’était éteinte. Li Côparèye
Charles-Nicolas Simonon
Li son dè l’ Côparèye
Èst co d’vins mès-orèyes,
Quéqu’fèye, djèl pinse oyî :
I m’ sonle èco qu’èle vike
Cisse Côparèye antique
Qui tant d’ djins ont roûvî. […]
Èlle aveût tchûzi s’ sîdje
So l’ pus hôte toûr di Lîdje
So l’ clokî d’ Sint-Lambièt.
Là, wèzène dès nûlêyes
Èt doûç’mint èsbranlêye,
Èle féve ètinde si vwès.
[…]
C’è-st-adon qu’ dès vandåles
Ont distrût l’ Catèdråle,
Ont distrût tot costé
Lès monumints d’ nosse glwére,
Lès monumints d’istwére,
D’årt èt d’antiquité…
À l’ fin, tot-a-fêt tome :
Ètats, monumints, omes,
À l’ fin, tot deût mori…
L’antique cloke èst fondowe,
Li toûr è-st-abatowe,
Èt sès rwènes ont pèri…
Depuis octobre 2012 pourtant, cette Côparèye a pu revivre. En effet, après avoir été cassée à la masse, un des fragments de la cloche a été conservé jusqu’à nos jours. Grâce à ce fragment, la voix de la cloche a pu être reconstituée par synthèse. Désormais, tous les soirs, comme il y a plusieurs siècles, la cloche sonne à 21h et 22h.